J’étais seul. Ou du moins, j’étais seul au dessus de ces falaises qui dominaient l’océan. L’océan… Qu’il avait l’air puissant, cet océan intrépide, cet océan qui parfois ravageait les terres japonaises. Et pourtant, aujourd’hui il avait l’air tellement calme… L’océan était, sans doute, quelque chose qui ne changerait jamais. Mais moi, à chaque fois que je venais m’asseoir face à lui, j’avais changé. Pas forcément en âge, mais en mentalité et en physique. A quand remontait la dernière fois que j’avais vu l’océan ? Cela semblait tellement loin… Oh, c’était sans doute bien avant mon enfermement dans un asile de fous.

Je me demandais comment j’étais, la dernière fois que j’avais vu l’océan. En tout cas, je ne portais pas ce haut de pyjama aussi blanc que mes cheveux, ce jean et ces bottines punk. Et je pouvais me désigner comme Morgan Doyle Kendall. Je devais être habillé comme tous les autres petits garçons américains de mon âge, en tout cas ceux qui vivaient dans le même quartier que moi. Il faut dire que je n’étais pas un fils de bourge, non, j’étais tout le contraire.

Mais lui, l’océan, ne changeait jamais. Il était toujours là, à la même place, avec ses vagues qui mouraient sur les mêmes plages et toujours aussi imprévisible. Toujours le même.

« Salut, l’océan. lui dis-je d’un murmure à peine inaudible. Moi, c’est Morgan Doyle Kendall et je me suis échappé d’un asile de fous. »

Parler à l’océan. Vraiment, j’étais dingue. Et pourtant, j’avais envie de le dire. J’avais désespérément envie d’être honnête. De ne plus avoir à me cacher sous l’identité du détective Doyle Kenneth, la nouvelle recrue de l’Interpol. Mais le dire à des êtres humains, c’était impossible. Si je leur révélais mon grand secret, ils appelleraient aussitôt la police et je serais de nouveau emprisonné. C’était une réaction que toute personne aurait si je me présentais à eux sous ma véritable identité. Mais à l’océan, on pouvait tout dire. Quoi qu’on lui disait, il restait toujours là, impassible, poursuivant sa petite routine de va-et-vient sur les plages.

Pourquoi donc étais-je venu ici ? Il fallait que je travaille, au lieu de rester là à rêvasser. Utiliser mes petites méninges. Mais là, aujourd’hui, maintenant… Je n’en avais pas envie. Aujourd’hui, un élan de paresse m’avait emporté et j’avais laissé le dossier sur lequel je travaillais en plan. J’aurais pu travailler ici, au grand air, mais il y avait trop de vent et tous mes précieux papiers, que j’avais retrouvés au prix de gros efforts, s’envoleraient. Ce serait bien dommage et je doute avoir le courage de tout recommencer depuis le début. J’avais déjà recommencé ma vie en prenant un autre nom et c’était lourd à supporter.

Je continuai mon observation de l’océan, les yeux dans le vague.